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[Figure mal connue du trotskisme français, Pierre Boussel – plus connu sous le nom de Pierre Lambert – aura régné plus de cinquante ans sur son organisation, dont le nom le plus connu fut l’Organisation communiste internationaliste (OCI). Sous diverses appellations, cette dernière a formé des générations de militants aussi bien syndicalistes que politiques. Parmi eux : un futur premier ministre (Lionel Jospin), des premiers secrétaires du Parti socialiste (encore M. Jospin mais aussi Jean-Christophe Cambadélis) et un leader de la gauche radicale (Jean-Luc Mélenchon). Dans un ouvrage extrêmement complet et documenté, le journaliste François Bazin retrace le parcours de ce « parrain rouge » aux multiples facettes. Extraits.]
S’il est des misères noires, celle-ci le fut assurément. Pierre Boussel est né pauvre, très pauvre, dans une famille accablée par les épreuves, sixième et dernier enfant d’un couple d’émigrés juifs venus de ce qu’on appelait encore l’Empire russe lors de son arrivée en France. Isser Boussel est tailleur, ouvrier tailleur devrait-on plutôt dire, et, à ce titre, membre de ce « prolétariat juif » venu chercher à Paris, au tournant du siècle, un peu de pain et de liberté. Comme sa femme, Sorka Grimberg, il est originaire de Liakhavitchy, un shtetl situé entre Minsk et Brest-Litovsk. (…)
Les frères Busel, devenus Boussel en France, ont tous pris le chemin de l’exil après le décès de leurs parents. (…) L’exil, fruit de la misère et de la persécution, a très tôt dispersé les Boussel. Chacun a suivi son étoile et par là même son destin. Celui d’Isser est à coup sûr le plus noir. Cet homme était un solitaire, un éternel errant à la santé fragile, un exilé dans l’exil. Avec sa femme, marquée elle aussi par les épreuves de la vie, il ne sortira jamais des quartiers les plus pauvres de Paris où s’est regroupé l’essentiel de la communauté ashkénaze. Ce couple qui ne s’est marié civilement qu’à la veille de la première guerre mondiale, et qui finira d’ailleurs par se déliter, parle essentiellement le yiddish, ne pratique pas, ne célèbre guère plus que les fêtes traditionnelles juives. Isser n’acquerra jamais la nationalité française. A la fin de sa vie, au milieu des années 1950, Sorka continuera à parler un français incertain. Quand Pierre Boussel voit le jour le 9 juin 1920, ses parents habitent passage Basfroi, dans un triste logement, à quelques encablures du Marais. C’est un enfant tardif, le petit dernier.
(…)
Le 10 juin 1940, à l’aube, c’est le branle-bas dans les prisons parisiennes, à commencer par celle de la Santé où croupissent depuis un mois Pierre Boussel et ses camarades d’infortune. On évacue. (…) Pierre Boussel pensait devoir vivre trois ans dans les prisons de la République. Cela sera finalement quatre sous l’Occupation allemande. Autant le dire tout net, on ne sait pas grand-chose de sa vie ordinaire – hors action politique – durant cette période noire. (…)
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